Votre magazine Avant-Goût de l’hiver

70 Avant- Goût l’orange a beaucoup voyagé,mais son nom a évolué au fil de l’histoire et des migrations, comme en témoigne l’historien et spécialiste des cuisines levantines Farouk Mardam-Bey à propos de l’orange douce de Jaffa 4 : « Dans les pays arabes,elle fut appelée burtuqâl ,afin de la distinguer du nârunj ,mot emprunté au sanskrit via la Perse, par lequel on désignait le bigaradier. De nârunj dériveront naranja en espagnol, laranja en portugais et orange en français. » C’est peu dire que l’orange a aussi inspiré des « pépins de littérature » aux UN PEU D’HISTOIRE... L’orange LA CLÉMENTINE, FRUIT D’UN HOMME D’ÉGLISE La clémentine ( Citrus clementina ) doit son nom à un homme d’Église, frère Clément Vital-Rodier (1839-1904), chef de culture de l’orphelinat de Misserghin, en Algérie. En 1900, il sème des graines de mandarinier et découvre dans sa plantation un arbre complètement différent des autres qui donne des fruits plus précoces, sucrés et plus acidulés avec une écorce très fine,dont les enfants de l’orphelinat raffolent. Il s’agirait du premier clémentinier, né d’une hybridation naturelle entre une mandarine et une orange. En 1925, la Corse plantait ses premiers clémentiniers. Bénédicte et Michel Bachès,pépiniéristes passionnés d’agrumes, expliquent : « Depuis une soixantaine d’années, le marché européen est alimenté par l’Espagne qui met en production des variétés nouvelles chaque année.Dans une plus faible mesure, la Corse met en production et distribue des clémentines avec une Indication Géographique Protégée (IGP). » écrivains comme le souligne Henri Joannet. Le poète Pierre de Ronsard (1524-1585) écrivit ainsi : « Ta forêt d’orangers,dont la perruque verte / De cheveux éternels en tout temps est couverte / Et toujours son fruit d’or de ses feuilles défend, / Comme une mère fait de ses bras son enfant. » Dans son poème « Les fenêtres »,Guillaume Apollinaire (1880- 1918) écrit que « La fenêtre s’ouvre comme une orange / Le beau fruit de la lumière ». U ne bonne manière : offrir aU roi ses orangers Symbole d’exotisme et de luxe, comme les épices en leur temps, l’orange a conquis les jardins et les tables du pouvoir. « La mode d’agrémenter les jardins avec des plantes provenant des côtes de la Méditerranée commença à se développer en France au lendemain des campagnes italiennes de Charles VIII (1470-1498) à la fin du XV e siècle, explique Chiara Santini,historienne dans son article « Le voyage des orangers » publié dans la revue Projets de paysage en 2012. Charmé par la beauté des jardins napolitains, qu’il décrit au duc Pierre de Bourbon comme des “paradis terrestres pleins de toutes bonnes et singulières choses”, le roi amena en France le jardinier Pacello de Mercogliano.ÀAmboise, ce dernier ne tarda pas à faire preuve de son savoir : il arriva à cultiver en serre des melons, des artichauts et quelques orangers amers. » Versailles déploie ses fastes à travers sonOran- gerie,construite par Louis LeVau en 1663. Vingt ans plus tard, Jules Hardouin-Mansart double la longueur du bâtiment initial, faisant de l’Orangerie un immense édifice dont la galerie centrale mesure plus de 150 mètres de long avec un plafond voûté de 13 mètres de haut. Les murs de quatre à cinq mètres Noël dans une famille modeste. Gravure du XIX e siècle de Ludwig Richter (1803-1884). Dans les années 1950, les oranges étaient encore des fruits rares. Du coup, les publicitaires n’hésitaient pas à les mettre en avant. © akg-images © The Advertising Archives/Bridgeman images © Selva/Leemage

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