Magazine Avant-Goût

Stéphane a eumesurait plus de 16 mètres,et il a dû couper un morceau de la proue pour le mettre aux normes. Là où il pêche,en Nor- mandie, dans la baie de Seine qui s’étend, d’ouest en est, entre la pointe de Barfleur (nord-est de la péninsule du Cotentin) et le cap de la Hève (au nord du Havre), la pêche n’est autorisée que quatre jours par semaine, à raison d’une heure et demie jusqu’à trois heures par jour.« À la fin de cette saison,nous pêchions de 15 heures à 16 heures 30,point barre »,précise-t-il.Mieux encore, les pêcheurs s’adaptent à la demande, et si elle est trop faible,on supprime une journée.Pas question de resquiller, des avions, des hélicoptères et des bateaux de la gendarmerie surveillent très attentivement le respect des règles fixées par les organisations professionnelles des pê- cheurs.Mieux encore,pour assurer la repro- duction de l’espèce, la baie est divisée en cinq zones,dont une,sur laquelle il est interdit de pêcher, reste en jachère. Il y a, bien sûr, des quotas, fixés selon la taille des bateaux. Pour Stéphane, c’est deux tonnes par jour de pêche. Un chiffre aussitôt relativisé : pour obtenir un kilo de coquilles Saint-Jacques à déguster, il faut en pêcher neuf. Inutile de dire qu’au fur et à mesure que ces restrictions sont arrivées, « tout le monde a râlé… Et puis,on a fini par comprendre que c’était très bien ainsi.Au fond,c’est vrai,notre métier a changé.Nous sommes un peu deve- nus des agriculteurs de la mer.À leur image, on cultive,on entretient nos sols,on préserve l’espèce et, au fil des années, nous nous apercevons que nous y gagnons »,poursuit Stéphane.Un mouvement qui lui semble iné- luctable.Avec son fils de moins de trente ans, ils ont acheté un second bateau à deux. « Et lui, il n’a pas les mêmes souvenirs que moi, il ne parle pas comme moi… Il a toujours connu ça et ça lui semble très bien ainsi. » « N e pas tuer la poule aux œufs d ’ or » Ce qui renforce cette évolution,c’est qu’elle est vertueuse. Grosso modo ,en une généra- tion, tout le monde y a gagné : les ressources sont préservées, les pêcheurs travaillent dans de meilleures conditions, gagnent aussi bien leur vie, et le consommateur a le droit à une offre plus étalée dans le temps et de meilleure qualité. « Chacun a compris qu’il ne fallait pas tuer la poule aux œufs d’or », résume Olivier Sanrame. À chaque marée, Stéphane part avec son équipage, composé de cinq marins. La pêche prend alors un air de sprint : compte tenu du temps imparti, tout doit 12 Avant- Gožt En une génération, tout le monde y a gagné : les ressources sont préservées, les pêcheurs travaillent dans de meilleures conditions, et le consomma- teur a le droit à une offre de meilleure qualité. Olivier Sanrame, mareyeur (ci- dessous), achète des coquilles à Stéphane Papillon (à droite) : « Lui et son équipage ont tout un savoir-faire. » C'EST DE SAISON Reportage

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